Arrivée d'Adela de Vaisneau

Gauche… Droite… Gauche… Droite… La tresse complexe se balançait ainsi dans son dos, au rythme du trot de l’étalon. Sous les gants de cuir, les doigts se crispèrent afin de tirer sur la longe et de ralentir l’allure du cheval.
Obéissant à l’ordre, progressivement, celui-ci passa au pas.
Les yeux d’émeraude saluèrent au passage les gardes qui la reconnurent certainement. La vicomtesse était une proche amie de la famille.
Dans ses bottes, ses orteils s’agitèrent. Tous ses membres semblaient engourdis par le froid de l’hiver qui doucement s’installait. Hors de question pour elle de prendre le risque de descendre trop précipitamment, ses réflexes étant amoindris. Elle se souvenait que trop bien que c’était de cette manière idiote dont était mort son jeune frère.
Très vite, elle fut rejointe par les quelques hommes qu’elle avait pris avec elle, et une voiture. Une fois cette dernière stoppée, une petite tête passa par la fenêtre.
La jeune femme attendit que la rouquine se soit laissé glisser à terre pour la rejoindre.
Quelque peu perplexe par la moue déconfite qu’affichait sa dame de compagnie, Adela l’interrogea du regard.

Et bien, Marguerite ? Vous n’allez pas me dire que vous n’avez pas fait bon voyage ?

Le rouge monta aux joues de la jouvencelle.

Non, ma dame. Bien sûr que non.

Le pincement de ses lèvres indiqua à Adela que quelque chose l’agaçait au plus haut point. Ma fois ! Si elle ne le lui disait pas, cela relevait de ses affaires.
Haussant les épaules, la vicomtesse se détourna de la petite, laissant battre sa longue tresse sur le bas de son dos. Elle n’appréciait guerre ses humeurs.
La chevauchée lui avait fait un bien fou mais surtout, avait éveillé en elle une faim de loup.

En attendant qu’on vienne l’accueillir et qu’on lui indique où monter sa tente, Adela tapa le talon de sa botte sur un gros caillou afin d’en détacher la boue.
Elle n’était pas bien pressée. A vrai dire, tant qu’elle pouvait repousser le moment où il lui faudrait se vêtir à nouveau d’une robe, cela lui convenait. Déjà, elle avait bien moins froid avec ses culottes que si elle avait porté des jupons. Et en plus, c’était tout de même plus confortable. Non vraiment, elle n’était pas pressée de… Coup d’œil en coin à sa dame de compagnie… De ressembler à nouveau à une pâtisserie. L’ancien soldat pouvait revenir. L’humble épouse n’avait plus de raison d’être.

Decidément, cela se presse aux grilles pour venir participer aux joutes organisées par la famille. Ayant un peu de temps devant lui, Valexan en prend la direction, décidé à supléer cousins, cousines et gens de maison pour aller accueillir les nouveaux venus. après tout, cela ne doit aps être bien difficile : un petit "bonjour, vous allez bien?", une petit présentation en bon et du forme, et hop il y a plus qu'à servir de guide jusqu'aux tentes.

petit regard circulaire à la recherche d'une bonne ame à aider... autant en profiter, aujourd'hui c'est jour de BA pour l'Auvergnat; Tiens, une dame bien sous tout rapport semble justement se languir à la porte au milieu de ses gens. Quelques pas vers elle, un salut courtois de la tête, un petit raclement de gorge avant de s'exprimer? non, cela ne se fait pas, pas en public! Enfin, si, mais pas devant n'importe quel public, et là en l'occurence... non!

Madame, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenu au domaine de Montbazon-Navailles. Je me nomme Valexan de Roserey Montbazon-Navailles, Vicomte de Salers et Seigneur de Saint-Christophe. Si vous me le permettez, je vais vous faire office de guide pour vous conduire dans le domaine. Je vous prie de nous excuser si nous vous avons fait attendre, mais comme vous le voyez beaucoup de personnes sont attendues pour les joutes, et les gens de maison sont quelque peu débordés.

Courtois, respectueux, il y a pas à dire, lorsqu'il veut il s'est bien s'exprimer le Valexan! petit coup d'oeil en direction des montures, il reprend

Vous n'avez pas à vous inquieter, des ordres vont étre donnés pour que vos montures soient conduite aux écuries.

Invitant de la main la jeune femme et sa suite à le suivre, il poursuit

Si vous voulez bien me suivre... Puis-je vous demander si vous venez participer aux joutes ou au bal? où peut-être êtes-vous ici en tant qu'invité de la famille? Excusez mon indiscrétion, mais selon votre réponse je vous conduirai vers les tentes des jouteurs ou en direction des appartements du chateau.

Pas très poli de poser ce genre de question? En même temps il ne se voit pas faire tout le chemin les séparant du campement en gardant bouche close... Et puis, Il n'a pas envie de commettre un impair, il ne la connait pas, la dame! de toute façon, parler cela réchauffe. Et il fait froid à cette époque de l'année. Alors autant ne pas se priver...

[Adela]

Après avoir tourné en rond deux ou trois fois, ses bottes étaient de nouveau toutes crottées. Mais elle n’en avait cure. Non pas qu’elle soit incroyablement impatiente, juste qu’il n’avait jamais été son fort d’attendre les bras croisés. Aussi occupait-elle son temps avec des broutilles.
La chevauchée avait été longue et elle arrivait, certes, avec un désavantage aux joutes : la fatigue du voyage. Néanmoins, trois fois elle avait été soldat dans un ost pour gravir haut dans les grades. Et quand on partait en guerre, on se fichait pas mal du confort du petit soldat du bas de l’échelle. Aussi, savait-elle qu’elle était tout à fait capable d’avoir une assez bonne performance aux joutes pour ne pas se jeter la honte. Sa performance ne serait pas exceptionnelle, voilà longtemps qu’elle n’avait pas jouté. Mais l’idée de se tanner les fesses au fond d’une voiture, la rebutait.
D’un geste agacé, la rouquine replaça dans sa coiffure quelques boucles rebelles.
Ses yeux brillèrent lorsqu’elle remarqua qu’un homme, noble de toute évidence, venait à leur rencontre. Un cousin de Jades certainement.
Son sourcil s’arqua, exprimant un doux amusement, lorsque celui-ci la dépassa sans même lui adresser un regard pour se présenter à… Marguerite !
Doucement, elle se retourna afin de mieux observer la scène, un sourire narquois sur les lèvres.

[Marguerite]

La jeune femme, une main sur son chapeau pour le maintenir sur sa tête, se pencha légèrement afin de s’assurer que ses jupes ne seraient pas trop crottées. Elle serait bien restée assise dans la voiture mais sa dame aurait saisi l’occasion de pouvoir la rabrouer. Cette vieille bique n’avait pas particulièrement besoin d’elle et d’ailleurs, elle se plaisait à le lui faire sentir. Juste que les convenances voulaient que ce soit elle qui l’aide à se vêtir, elle qui l’aide à se coiffer, elle qui l’aide à se baigner, elle qui l’aide en tout.
La vicomtesse était une femme de cœur mais surtout de caractère et elle savait se faire respecter sans pour autant qu’on en arrive à la détester.
Oui, Marguerite l’aimait bien et parfois, elle voyait bien que cette femme souffrait de la disparition de son époux. Elle était bien trop bonne avec ses enfants qui étaient, eux, de vraies terreurs.
Toute à ses pensées, elle ne vit le jeune noble qu’au moment où il se plaça devant elle, alors qu’elle relevait le nez de ses jupes et fourrait ses mains dans son manchon de fourrure.
Ses yeux s’agrandirent de surprise lorsqu’elle comprit l’erreur du jeune homme. Et quelle erreur ! La dame ne laisserait pas passer une telle chose !
Un regard inquiet vers la vicomtesse alors qu’il débitait tous ses titres lui appris que celle-ci ne s’était pas offensée de la chose. Bien évidemment, comme elle s’y attendait, Marguerite vit que la dame s’en amusait et à son grand désespoir, elle devinait que trop bien ce qui allait s’en suivre. La vicomtesse, dans le dos du jeune vicomte, lui fit signe de lui répondre.
Le rouge lui monta aux joues puis à la pointe des oreilles.
Profonde révérence au jeune vicomte.

Messire… Pardonnez-moi mais… Je crains qu’il y est…

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que la vicomtesse était sur eux et prenait la parole. La jeune femme blêmit et baissa le regard sur le bout de ses chaussures. Elle avait horreur d’assister à ce genre de scènes entre noble. Elle n’avait qu’une envie : être une petite souris et s’enfuir se cacher dans un trou. Elle retint son souffle et attendit la réaction du jeune homme.

[Adela]

L’œil goguenard, la rouquine se place juste derrière Valexan et croise les bras avant de parler d’une voix forte où pointait l’ironie.

Ravie de faire votre connaissance, messire Valexan. Je me nomme Adela de Vaisneau dicte Adela de Lisieux, Vicomtesse douairière de Fronsac, Baronne douairière d’Ittre et Dame du pavillon Thoury. Et la jeune femme ici présente n’est autre que la petite Marguerite, ma nouvelle dame de compagnie. Vous pourrez faire connaissance plus tard, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’aimerais que mes hommes montent ma tente afin que je puisse me rafraichir un peu.

Ravie de voir la surprise se peindre sur le visage du jeune homme, elle se détourna vite du couple afin de cacher le sourire qui étirait déjà ses lèvres. Sa longue tresse la suivit dans un mouvement circulaire, éclair rouge dans cet air hivernal et glacial.
Elle retira deux sacoches de sa monture qu’elle posa sur une épaule et d’un signe de main donna le signal à ses hommes de se tenir prêt.

Ses yeux émeraude interrogèrent le vicomte, attendant qu’il leur indique le chemin à suivre.

Oups.. il semble qu'il se soit quelque peu mépris sur la personne... un souvenir lui vient immédiatement à l'esprit, une histoire qu'on lui racontait alors qu'il n'était qu'un enfant : Jeanne d'Arc, venu voir le Roy à Chinon, le reconnu au milieu de la foule de ses courtisans alors qu'il était habillé simplement et avait demandé à l'un de ses ouaille de prendre sa place sur le trone.

Se tournant en souriant vers une Vicomtesse au sourire moqueur, il dit :

Et bien, ma dame, nous en concluerons que je n'ai point le talent de Jeanne la Pucelle pour déceler le vrai du faux.

Détaillant les vétements qu'elle porte, il poursuit

J'avais oublié que les habits ne font pas le moine, et à fortiori encore moins la Vicomtesse; Mais vous avouerez à ma décharge que votre tenue est trompeuse a priori. Mais ce n'est pas une excuse, j'aurais dû me douter que la plus jolie des deux femmes qui me faisait face était celle de haute naissance. J'avoue avoir hésité un instant, j'ai fait le mauvais choix. Que voulez-vous on devrait toujours se fier à sa première impression. En tout cas je vous félicite pour la qualité de votre personnel, qui présente fort bien.

Le compliment est sincère, et pour avoir parlé à l'occasion avec Jades de la Dame de Lisieux et de sa fille il doit bien avouer qu'il ne l'aurait jamais imaginé en jolie rousse fraiche et pimpante. Sur le ton de l'ironie, il lance :

Ne trouvez-vous pas que l'on vit dans un monde étrange? un Vicomte fait office de portier, une Vicomtesse s'habille comme une dame de compagnie. à nous deux nous faisons la paire.

Il part dans un rire cristallin avant de l'inviter à la suivre en lui proposant son bras

J'espère néanmoins que vous ne me tiendrai pas rigueur de ma maladresse. Quant à votre proposition de faire plus ample connaissance avec votre dame de compagnie, si cela ne vous dérange pas je déclinerai votre proposition. Non pas qu'elle ne soit pas charmante, mais... Marié depuis peu à une femme que j'aime et qui m'aime je n'ai nul besoin ni envie d'aller compter fleurette ou courir les jupons. Ceux de mon épouse me suffisent amplement voyez-vous, et non rien à envier à qui que ce soit.

La petite troupe se met en route derrière eux, et tout en traversant la cours du chateau il termine

Si je ne me trompe pas un emplacement vous est reservé pour que vous puissiez faire monter votre tente. Excusez-moi si je presse le pas, mais je devine au bruits des lances contre les boucliers que la lice vient de débuter, et je dois moi aussi aller me préparer pour jouter.

La jeune femme relâcha son souffle et soupira de soulagement. L’atmosphère semblait détendue entre les deux nobles. Ouf ! C’est que si la dame se renfrognait, elle serait la première à prendre.
Suivant docilement, elle écouta d’une oreille distraite leurs échanges.
Elle vira au rouge écarlate lorsqu’elle fut l’objet de la discussion. Elle s’en serait bien passée, la vicomtesse sachant pertinemment qu’elle n’était point du genre à écarter les cuisses.

Cette dernière finit par lui demander de se rendre à la lice afin de prendre connaissance du nom de son adversaire.
Après un signe de tête et une courte révérence au vicomte, Marguerite s’éloigna rapidement.

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