Venue de Georges Léonard Watelse

Le décès de feue sa femme avait déclenché en lui, enfin, la force de tourner la page. Les désirs de vengeance, son éternel malêtre avait fait place à une réelle envie d'être heureux. Son frère, revenu depuis peu, remplissait un peu plus chaque jour son âme de joie. Néanmoins, la dernière partie restait éteinte, trop longtemps laissée de côté, ankylosée par la douleur.
Trente ans qu'il avait tourné le dos à sa Foi. Trente ans qu'il était comme mort. Ses parents l'avait pourtant fait grandir dans un foyer respectueux de leur croyance, appliqué à faire ce qui était juste. Il devait rejoindre les Siens maintenant. Les Siens, les Cathares. Un nom glané par ses informateurs: Alazais de Montbazon-Navailles. Une femme... Quelle ironie, pour lui qui méprisait ce genre depuis près de trente ans, que son Salut vienne du sexe faible.

La route avait été longue depuis Bayonne. Mais il prenait cela comme une épreuve pour sa Foi. Un chemin de pénitence nécessaire à son retour dans le bon sens.

Une porte lourde. Il frappe.

Je suis Georges Léonard Watelse, de la vieille famille Watelse, de Bayonne. Il me serait bien agréable de converser avec Dame Alazaïs de Montbazon-Navailles, si son temps le lui permet.

Il était étrange, mon maître depuis quelques semaines. Depuis que la fameuse lettre mettant fin à plus de trente années de recherche avait mis fin à ses espoirs. Ses espoirs de revenche sur cette femme qui l'avait trainé dans le déshonneur en fuyant le foyer conjugal avec un maraud, voleur et bonimenteur. La femme était morte. Et mon maitre ne se comportait plus comme à la normal. L'arrogance s'était atténuée, le mépris envers les femmes non plus, ...

En clair, mon maitre ne m'amusait plus.
Il me serait bien agréable de converser avec Dame Alazaïs de Montbazon-Navailles, si son temps le lui permet.

Cette phrase.. Argh... Je m'en serais presque étouffé. Depuis quand traitait-on les femmes avec tant d'égard??! Il devait jouer l'homme bon, mais assurément ne pas l'être! Il ne manquerait plus que je doive moi aussi arrondir les angles et mes manières avec le sexe faible.

Je crachai à terre avec dégoût. Mon maître me toisa, impassible, mais ne dit rien. En d'autre temps - le bon temps! - il m'aurait roué de coups, le Grand Watelse! Quel ramoli désormais...

J'osai :

Maitre... Permettez que l'on se repose un peu avant cette entrevue : j'ai vu une auberge où caquetaient de salaces dindes aux cuisses tendres... Bien accueillante. Je pourrais les caresser, et vous.... les ignorer. Ou mieux encore! Peut-être pourriez-vous leur lancer quelques insultes de votre goût.. Tout ceci arrosé de bons vins?

Mon ton se voulait presque suppléant.

Venue de Georges Léonard Watelse Mathus10

Venue de Georges Léonard Watelse Mathus10

Pas de réponse de derrière la lourde porte d'entrée. Si bien que le grigou de Mathusin profita de ce laps de temps pour tenter une proposition d'escapade. En d'autres temps, Georges Léonard Watelse lui aurait frappé le crâne durement avec son chapeau : un serviteur de la maison Watelse ne doivent jamais prendre parole sans y être invité. Néanmoins, est-ce par lassitude du voyage ou par simple dédain pour son inférieur, Georges Léonard n'en fit rien et se força d'un sourire froid:

N'esquinte donc pas ta langue en babillages idiots.. Use-en plus finement en me lêchant les bottes. Elles sont trop sales du voyage pour me présenter ainsi devant Elle.

Georges Léonard Watelse s'appuya sur la lourde porte encore fermée et lui tendit sa botte encrassée de boue.

Et encore d'autres. Différent cette fois. Et pourquoi frapper chez lui? Il ouvrit sa porte violement agacer plus que de raison d'une de s'etre fait jeter par sa maitresse et de deux, d'pas avoir trouver une pauvre fille pour le contenter. Le gros tas tomba à la renverse sur le pas d'la porte.
Des coup qu'il devrait lui donner mais le petit frêle le regarde d'ja comme un chien pret à bondir.

V'savez pas les fetes pour la bestail c'est au domaine. Pas ici!

Des fêtes pour la bestail?

Georges Léonard Watelse n'avait jamais songé une seconde qu'il y aurait autre visite que la sienne, pour la bonne raison que rien d'autre importait ormi lui-même. L'homme qui lui parlait rudement, le froissait par ses mauvaises manières. Cependant, il n'en devait rien laisser paraitre:

Brave homme, nous n'avons cure de la "bestail" et souhaitons plutôt converser avec Dame Alazaïs de Montbazon-Navailles. Se rendrait-elle disponible pour mon humble personne...

Au même moment où il prononçait le mot humble, son serviteur pouffa de rire. G.L. Watelse n'avait jamais fait preuve de grande humilité jusque là. Il répéta d'une voix cassante, l'oeillade assasine envers son va-nu-pied de Mathusin:

... pour mon humble personne, Georges Léonard Watelse, aîné de la maison Watelse de Bayonne en Gascogne?

Humble? Hihi, voilà qui me fit trop bruyamment rire. Le regard glacial que mon maitre me lança, ne refroidit pourtant pas mes ricanneries.
Jamais, ô mon maitre n'avait paru dresser un portrait de lui-même si peu approprié. Fier et fanfaron comme un coq, disait-on de lui à Bayonne.

Le serviteur, enfin, l'homme que je crus être un serviteur, n'avait pas l'air de gouter la plaisanterie. Son visage reflétait plutôt une fort mauvaise humeur.

Le cheval à mes côtés, hénnit lui aussi joyeusement, goûtant lui aussi la plaisanterie, ce qui redoubla mon propre rire.

Il me parut plus sage pour ma survie de me cacher derrière son destrier.
Quitte à se prendre un coup, il vaut mieux que cela soit d'un sabot ou d'une ruade équine, plutôt que des bottes d'un Watelse... pensai-je.

Jaugeant l'homme et le couard dans son dos qui finalement n'était pas si impressionnant, j'me prit 5 minute le temps d'penser à la Montbazon qu'il cherchait. Toujours UNE montbazon qui était rchercher jamais UN montbazon. Coïncidence? Non faut dire qu'ici les hommes se contentait de subir. Parbleu les couillons à croire qu'ils z'avait rien entre les jambes.

Alazais? Ben on la voit plus trop elle. Au couvent j'crois. Vous voulez voir la maq.. dame Jades?

Diablerie que cela! Des semaines de voyage, pour rien! Voilà qui échauffait les oreilles de Sieur Watelse "Le Humble". Le couard Mathusin s'était caché derrière une jument. Le voici seul devant une question qui lui gratta le nez immédiatement:

Appeler Dame ...Jades? Non voir une me défriserait la perruque. Je n'en vois que si nécessaire.

Watelse adressa un léger mouvement de tête envers le serviteur qui avait, au moins, son respect pour sa virilité bien affichée.

Je reviendrai. Allez donc boire un verre à ma santé... mes os de genoux vont craquer longuement sur le chemin du retour... A la santé de Georges Léonard Watelse.

Georges jeta au serviteur quelques pièces avant d'enfiler l'étrier et de se hisser sur son étalon gris. Puis il replaça dignement sa perruque sur le haut de son crâne.